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Sacubitril/valsartan dans l’HFpEF versus traitement médicamenteux standard : L’étude PARALLAX (Dr Saoussen Antit)

D’après la présentation de Burkert Pieske (Berlin, Allemagne), "PARALLAX: Sacubitril/Valsartan versus Individualized RAAS Blockade in Patients with HFpEF".
Messages clés
L’essai contrôlé randomisé PARALLAX démontre que l’association sacubitril/valsartan entraîne une réduction significative du NT-proBNP chez les patients souffrant d’une HFpEF ou d’une HFmrEF versus un traitement médicamenteux standard. L’amélioration des capacités fonctionnelles était constatée dans les 2 groupes et était non inférieure avec le sacubitril/valsartan avec une réduction des effets indésirables. Dans cette population ce traitement pourrait avoir un effet bénéfique sur la survenue d’évènements cardiovasculaires des patients.
Des résultats encourageants qui laissent envisager une nouvelle approche des comorbidités chez les patients souffrant d’HFpEF
Contexte
Au cours des dernières décennies, la prévalence de l’HFpEF parmi les patients hospitalisés pour décompensation cardiaque aigüe a significativement augmenté pour dépasser 50% [1]. La survie à 5 ans de ces patients est identique à celle des patients souffrant d’une HFrEF, soit inférieure à 50% [1,2].
Il existe cependant quelques singularités concernant le phénotype ou plutôt les phénotypes des patients atteints d’une HFpEF. Ils sont en effet plus âgés, avec une proportion plus importante de femmes et présentent plus de comorbidités telles que l’anémie, l’hypertension artérielle (HTA), l’insuffisance rénale, le diabète ou encore la fibrillation atriale. Certains ont surtout une dyspnée d’effort, d’autres sont fréquemment hospitalisés pour des épisodes congestifs.
L’HFpEF tire sa physiopathologie de la dysfonction diastolique induite par la rigidité myocardique. De plus, l’arbre vasculaire artériel est également rigidifié causant une authentique altération du couplage ventriculo-artériel pour nombre de patients. Ceci est vrai potentiellement au repos mais surtout à l’effort, en particulier dans le phénotype de patients non congestifs mais dyspnéique à l’effort [3,4].
Malheureusement, malgré des progrès substantiels dans la prise en charge des patients atteints d’une HFrEF, il n’existe à ce jour aucun traitement permettant de réduire de manière indiscutable la mortalité des patients atteints d’une HFpEF [4]. Améliorer leur qualité de vie et réduire le risque d’hospitalisation reste aussi un challenge. Les seuls traitements recommandés à l’heure actuelle sont les diurétiques en cas de symptômes d’insuffisance cardiaque et le traitement adapté des comorbidités.
Dans l’HFrEF, l’essai PARADIGM-HF [5] a démontré l’intérêt du blocage combiné du récepteur de la néprylisine et du récepteur à l’angiotensine de type II (traitements que l’on nomme les ARNI) sur la réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de décès d’origine cardiovasculaire.
À la lumière de cette étude, l’essai PARAGON-HF [6] a comparé l’emploi d’un ARNI versus valsartan dans l’HFpEF sur le critère de jugement principal composite d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de décès d’origine cardiovasculaire. Cette étude a failli à démontrer une diminution significative du critère de jugement principal bien qu’une tendance soit apparue en faveur du sacubitril/valsartan (RRR 13%, P=0.06).
Une des principales critiques qui a été faite à l’essai PARAGON-HF était d’avoir employé dans le groupe contrôle un traitement qui n’est pas recommandé chez les patients souffrant d’HFpEF à savoir le valsartan et de réduire la population d’étude aux seuls patients ayant conduit avec succès la période de run-in. C’est dans ce cadre qu’arrive l’essai PARALLAX.
Objectifs
L’étude PARALLAX s’intéresse au groupe de patients souffrant d’une HFpEF ou d’une HFmrEF (FEVG>40%) et évalue l’effet d’un ARNI versus un comparateur individualisé basé sur le traitement médical individualisé (TMI) des patients (un ARA II ou un IEC, employés selon leur AMM, ou un placebo).
Les 2 critères de jugements (CDJ) principaux sont le taux de NT-proBNP à 3 mois et les capacités à l’effort évaluées par un test de marche des 6 minutes (TM6) à 6 mois.
Les critères de jugements secondaires sont la qualité de vie évaluée par l’échelle KCCQ-CSS et le stade de la NYHA à 6 mois.
Patients et design
PARALLAX-HF est une étude de supériorité, multicentrique, randomisée en double aveugle, en parallèle avec groupe contrôle actif ou placebo. Les patients inclus étaient âgés de 45 ans ou plus avec une HFpEF ou une HFmrEF symptomatique stade II à IV de la NYHA, ayant reçus des diurétiques pour une insuffisance cardiaque congestive dans le dernier mois avec une hypertrophie ventriculaire gauche ou une dilatation atriale confirmée par échographie cardiaque et un taux de NT-proBNP élevé à l’inclusion.
Le groupe intervention recevait du sacubitril/valsartan à une posologie incrémentée progressivement pendant 4 semaines jusqu’à la dose maximale. La thérapie dans le groupe contrôle était soit un ARA II soit un IEC, basé sur le TMI du patient ou un placebo si le patient ne disposait ni de l’un ni de l’autre dans son ordonnance.
Le design de PARALLAX-HF est schématisé sur la Figure 1.
 
                                  Figure 1 : design de l’étude PARALLAX-HF
Résultats
Descriptif de la population : tous les patients avaient une FEVG>40%. Au total 2572 patients ont été randomisés et suivis sur une durée de 24 semaines, 1281 ont reçu du sacubitril/valsartan et 1285 ont conservé leur traitement médical personnel (42% avaient un IEC, 46% avaient un ARAII et 12% n’avaient pas d’inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone). La moyenne d’âge des patients était de 73 ans et ils présentaient une ΗΤA dans 97% des cas. Le score KCCQ-CSS était <75 pour l’ensemble de la population reflétant le caractère très symptomatique et limitant de l’HFpEF.
Critères de jugements principaux : l’étude PARALLAX-HF est positive sur le premier critère de jugement principal avec une baisse significative du NT-proBNP à 3 mois de traitement par sacubitril/valsartan (ratio moyen 0.84 ; C 95% : 0.80 – 0.88, P<0.0001), mais est négative sur le second critère de jugement principal avec une absence de différence au TM6 à 6 mois de traitement (différence moyenne de -2.50 ; IC 95% : -8.53 – 3.53, P=0.42).
Critères de jugements secondaires : il existait une amélioration du score de qualité de vie KCCQ à la 4ème semaine dans le groupe sacubitril/valsartan mais qui ne perdurait plus à la 24ème semaine de traitement versus TMI (différence moyenne de 0.52 ; IC 95% : -0.93 – 1.97, P=0.48). De même, l’amélioration du stade NYHA était similaire entre les 2 groupes (23.6% vs 24%, OR 1.01 ; IC 95% : 0.75 – 1.37, P=0.93).
Les principaux résultats de l’étude sont résumés dans la Figure 2.
 
Figure 2 : résultats concernant les critères de jugements principaux (en haut) et les critères de jugements secondaires (en bas)
A visée exploratoire: des analyses post-hoc semblent suggérer une diminution des effets indésirables sous sacubitril/valsartan avec une baisse du risque relatif d’hospitalisation pour IC dans les 6 mois de 51% (HR=0.49 ; IC 95% 0.3 – 0.8, P=0.005), une diminution également de 36% du risque relatif de décès d’origine cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour IC (HR=0.64 ; IC 95% : 0.42 – 0.97, P+0.034) (Figure 3) et un ralentissement du déclin de la fonction rénale également en faveur du sacubitril/valsartan (P=0.0158).

 
Figure 3 : effets du sacubitril/valsartan sur la survenue d’évènements cardiovasculaires
Discussion
L’association sacubitril/valsartan dans l’HFpEF permet de diminuer significativement les taux de NT-proBNP à 12 semaines de traitement mais n’a pas d’effet sur la tolérance à l’exercice évaluée par le TM6.


Points forts de l’étude :
Tout d’abord le design de l’étude PARALLAX est très séduisant et original. La prise en compte du traitement médical individuel du patient permet de rester au plus proche de la pratique quotidienne et s’en tient aux recommandations.
Le choix du NT-proBNP comme critère de jugement principal est pertinent cliniquement puisque l’essai PARAMOUNT-HF [7] avait montré auparavant que sa diminution était corrélée au remodelage inverse de l’oreillette gauche, témoin d’une diminution des pressions ventriculaires gauches sous sacubitril/valsartan. De plus dans l’HFpEF comme dans l’HFrEF les taux de NT-proBNP chez les patients sont directement liés au pronostic à long terme de ces patients [8].
Enfin, l’association sacubitril/valsartan a montré une non infériorité versus TMI sur les capacités fonctionnelles associée à une réduction des effets indésirables cardiovasculaires et rénaux. Tout cela devrait nous inciter à repenser la façon dont nous prenons en charge les comorbidités des patients souffrant d’une HFpEF pour lesquels les IEC ou ARA II sont largement prescrits actuellement. [9]

Limites de l’étude :
Il existe une multiplication des comparaisons statistiques pour laquelle les auteurs ont dû utiliser une analyse séquentielle hiérarchique dont les conditions statistiques n’ont pas permis d’analyser formellement les critères de jugement secondaires ni les données exploratoires. Il est donc possible que la réduction des évènements cardiovasculaires soit le fruit d’une inflation du risque alpha.
L’association sacubitril/valsartan semble entraîner une réduction temporaire du NT-proBNP puisqu’à 6 mois les intervalles de confiances des courbes de la figure 1 se chevauchent. La pertinence d’un tel résultat peut donc être discutée.


Conclusion:
Dans cette étude, l’association sacubitril/valsartan a démontré une baisse du taux de NT-proBNP des patients atteints d’une HFpEF versus le traitement médicamenteux standard des comorbidités. Il n’y a pas de différence sur l’amélioration des capacités fonctionnelles des deux groupes et il semble exister une diminution des évènements cardiovasculaires sous sacubitril/valsartan avec un meilleur profil rénal.

Bibliographie
[1]  Owan TE, Jacobsen SJ, Redfield MM. Trends in Prevalence and Outcome of Heart Failure with Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med 2006:9.
[1]  Christ M, Störk S, Dörr M et al. Heart failure epidemiology 2000–2013: insights from the German Federal Health Monitoring System. Eur J Heart Fail 2016:10.
[2]  Owan TE, Jacobsen SJ, Redfield MM. Trends in Prevalence and Outcome of Heart Failure with Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med 2006:9.
[3]  Fraser AG, Gillebert TC, Leite-Moreira AF. Ventricular-arterial coupling in heart failure with preserved ejection fraction: the devil is in the details n.d.:3.
[4]  Borlaug BA, Paulus WJ. Heart failure with preserved ejection fraction: pathophysiology, diagnosis, and treatment n.d.:13.
[5]  McMurray JJV, Lefkowitz MP, Solomon SD. Angiotensin–Neprilysin Inhibition versus Enalapril in Heart Failure. N Engl J Med 2014:12.
[6]  Solomon SD, McMurray JJV, Anand IS et al. Angiotensin–Neprilysin Inhibition in Heart Failure with Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med 2019:12.
[7]  Solomon SD, Zile M, Pieske B et al. The angiotensin receptor neprilysin inhibitor LCZ696 in heart failure with preserved ejection fraction: a phase 2 double-blind randomised controlled trial. Lancet Lond Engl 2012;380:1387–95.
[8]  Salah K, Stienen S, Pinto YM et al. Prognosis and NT-proBNP in heart failure patients with preserved versus reduced ejection fraction n.d.:8.
[9]  Crespo-Leiro MG, Anker SD, Maggioni AP et al. European Society of Cardiology Heart Failure Long-Term Registry (ESC-HF-LT): 1-year follow-up outcomes and differences across regions: ESC-HF-LT: 1-year follow-up. Eur J Heart Fail 2016;18:613–25.