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JE SFC 2020: Quoi de neuf dans les thérapeutiques qui visent à réduire le risque cardiovasculaire (CV) et rénal chez le diabètique de type 2 ? ( Dr Tarek Ellouz )

Ces toutes dernières années ont connu un « tsunami » de publications des essais thérapeutiques chez le diabétique de type 2, ayant comme but de démontrer une réduction du risque CV et rénal chez cette population à risque.

Deux groupes thérapeutiques antidiabétiques, qui sont les analogues du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT2 ont particulièrement montré une efficacité non seulement sur le contrôle glycémique mais aussi sur la réduction des évènements CV sévères.

Dans l’année 2019, d’autres études sont publiées et qui confirment les mêmes résultats positifs de cette classe thérapeutique.

Outre les antidiabétiques, les antiplaquettaires étaient aussi au rendez-vous dans la prévention secondaire chez le coronarien diabétique  avec l’étude THEMIS et THEMIS PCI qui ont montré des résultats intéressants.

Etude CREDENCE  “Canagliflozin and Renal Outcomes in Type 2 Diabetes and Nephropathy”

Description:

L’intérét des inhibiteurs de SGLT2 (inhibiteurs du sodium/glucose cotransporteur 2 ou Glitazones) dans la réduction des évènements cardiovasculaires sévères chez le diabétique de type 2 à haut risque a été bien démontré par plusieurs études antérieures tels que le grand essai ramndomisé EMPA-REG avec l’empagliflozine et l’essai CANVAS avec la canagliflozine. L’étude CREDENCE est un essai comparant la canagliflozine à un placebo chez des patients diabétiques à très haut risque rénal et cardiovasculaire, ayant pour but de démontrer une protection rénale chez cette population à risque.

Cette étude est  publiée le 14 avril dans le NEJM, et présentée à l’EASD à Barcelone le mois de septembre dernier.

 

Design de l’étude :

Les patients ont été randomisés en 2 groupes : canagliflozine 100 mg par jour (n = 2202) versus  placebo (n = 2199).

Nombre total des patients: 4 401

Durée du suivi: 2,62 ans

Âge moyen des patients: 63, ans

Pourcentage de femmes: 33,9%

Critère d’inclusion :Âge ≥30 ans, DM2, Hémoglobine glycosylée (HbA1c) ≥ 6,5% et ≤ 12%, IRC avec un taux de filtration glomérulaire estimé (eGFR) de 30 à 90 ml/min, Albuminurie élevée(ration albumine/créatinine entre 300 et 5 000) et des patients sous une dose stable d’IEC ou d’ARAII depuis plus de 4 semaines avant la randomisation.

Les principaux critères surveillés étaient une combinaison de maladie rénale terminale (dialyse, transplantation, DFG inférieur à 15 ml/min), un doublement persistant de la créatininémie et le décès de cause cardiovasculaire ou rénale.

 

Résultats :

L’essai a été arrêté prématurément en raison des résultats positifs.

Au terme d’un suivi d’une durée médiane de 2,62 années seulement, ces risques étaient réduits de 30 % chez les patients traités avec la canagliflozine par rapport au groupe placebo (HR = 0,70 ; IC95 = 0,59 à 0,82 ; P = 0,00001). Le risque spécifique à la fonction rénale était même réduit de 34 % (HR = 0,66 ; IC95 = 0,53 à 0,81 ; P < 0,001).

Pour les critères secondaires, les résultats sont aussi positifs avec une réduction du décès toutes causes : 29.0 vs. 35.0/1,000 P-Y (p > 0.05), et du critère composite MACE (Décès CV, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, hospitalisation pour insuffisance cardiaque / angor instable): 27,0 vs. 40,4 / 1 000 P-Y (p <0,001)

A noter que ces effets bénéfiques ont été notés indépendamment de l'HbA1c de base, y compris chez les patients avec une HbA1c de base comprise entre 6,5 et 7%.

 

Tolérance : Contrairement à d’autres études, aucune différence significative n’est apparue concernant les taux d’amputations ou de fractures entre les deux groupes.

 

Conclusion :

CREDENCE est une étude randomisée qui confirme la protection rénale et cardiovasculaire associée à un inhibiteur de SGLT2, la canagliflozine, chez une population à très haut risque à la fois rénal et CV. Avec  un triple gain, protection vis-à-vis de l'insuffisance rénale, protection vis-à-vis de l'insuffisance cardiaque et protection vis-à-vis des événements cardiovasculaires. Et ce bénéfice est également obtenu même chez les diabétiques bien contrôlés avec une Hb1Ac entre 6.5 et 7%.

Etudes THEMIS et THEMIS PCI

Il s’agit de deux essais randomisés, contrôlés et réalisés en double aveugle, et qui sont présentées à l’ESC 2019 et publiées simultanément dans le NEJM et le Lancet.

Le but de l'essai était d'évaluer le ticagrelor / aspirine par rapport au placebo / aspirine chez les patients coronariens stables diabétiques de type 2.

Design de l’étude THEMIS :

A inclus plus de 19000 patients d’au moins 50 ansatteints de coronaropathie stable et de diabète de type 2, et qui ont été randomisés entre ticagrélor / aspirine (n = 9 619) versus placebo / aspirine (n = 9 601).

Initialement, les patients ont reçu 90 mg de ticagrélor deux fois par jour, cependant, le protocole d'étude a été modifié à 60 mg deux fois par jour suite aux données de l’essai PEGASUS-TIMI 54. la durée du suivi était de 39,9 mois. Les patients aux antécédents d’infarctus du myocarde ou d’AVC ont été exclus.

Les patients recevaient des hypoglycémiants depuis au moins 6 mois et avaient des antécédents d’angioplastie (58%), de pontage (21,8%), des deux (7%) ou la présence d’une lésion coronaire ≥ 50%

 

Résulats :

En termes d’événements CV, les résultats sont positifs. Une réduction significative de 10% du critère combiné décès cardiovasculaire, IDM, AVC a été observée dans le groupe traité par ticagrélor comparé au groupe placebo (7,7 % vs 8,5 % ; RR 0,90 [IC95% 0,81-0,99] ; p = 0,04). Le nombre de patient à traiter pour éviter un événement à 3 ans était de 138.

Cependant, l’incidence des complications hémorragiques sévères (essentiellement les hémorragies cerebrales) était significativement plus élevée dans le groupe recevant le ticagrélor (2,2 % vs 1,0 %; RR 2,32 [IC95% 1,82-2,94]; p<0,001), ce qui correspond à 93 patients traités pour induire un saignement majeur.

Globalement, il ressort de l’analyse des résultats que le rapport bénéfice-risque de l’ajout du ticagrélor est défavorable dans la population générale de l’étude.

L’essai THEMIS PCI est une analyse d’un sous-groupe de THEMIS pré spécifié à l’avance, qui étaient des patients qui avaient des antécédents d’angioplastie avec stent (58% de la population générale). Donc des patients qui avaient déjà été exposés à une bithérapie antiplaquettaire.

Toutefois, dans ce sous-groupe l’incidence du critère composite primaire décès CV ou IDM ou AVC était fortement abaissée de 15 % chez les patients recevant du ticagrélor (7,3% vs 8,6%, RR=0,85, [IC95% 0,74-0,97] p=0,013).

Malgré un léger sur-risque hémorragique (chez 2 % des patients du bras ticagrélor vs 1,1 % dans le bras placebo, p<0,0001). le bénéfice clinique net était, tout de mêmeen faveur du ticagrélor (9,3 % vs 11%, RR=0,85 [IC95% 0,75-0,95], p=0,005).

Le bénéfice était présent quel que la durée écoulée depuis l’angioplastie.

 

Conclusion :

Chez les patients diabétiques, coronariens stables, ajouter le ticagrélor à l’aspirine diminue le risque de mortalité CV, d’IDM et d’AVC mais augmente le risque de saignements.

Toutefois, dans une population de diabétiques stentés , le bénéfice clinique net reste favorable à la prise de ticagrélor.

La sélection des patients est importante pour avoir le plus grand bénéfice de la prolongation de la double anti agrégation plaquettaire.