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Analyse groupée des données individuelles des patients dans les essais randomisés sur la bivalirudine versus l'héparine dans l'infarctus aigu du myocarde( Dr Fatma Zouari)

 

Analyse groupée des données individuelles des patients dans les essais randomisés sur la bivalirudine versus l'héparine dans l'infarctus aigu du myocarde

 

Introduction :

Des essais individuels contrôlés et randomisés (ECR) concernant l'anticoagulation péri-procédurale avec la bivalirudine versus l’héparine pendant une intervention coronaire percutanée (ICP) ont conclus à des résultats variés.

Ces essais ne fournissent pas une évaluation approfondie en sous-groupes et ne tiennent compte ni de l'hétérogénéité des résultats entre les études, ni des facteurs de confusion, ni des effets liés au temps. Ainsi, le regroupement des données individuelles des patients permettrait une évaluation plus précise de l'exposition et de l’effet des thérapies dans le temps et l'identification de sous-groupes de patients spécifiques dans lesquels un meilleur profil avantage-risque pourrait être identifié.

Objectif :

Nous avons effectué une analyse groupée des données individuelles des patients de tous les principaux essais contrôlés randomisés comparant la bivalirudine à l'héparine afin de déterminer l'anticoagulant optimal à utiliser pendant l'intervention coronaire percutanée chez les patients ayant présenté un SCA.

Méthodes :

Design de l’étude :

Une revue systématique a identifié tous les ECR dans lesquels ≥1000 patients avec SCA (STEMI ou non-STEMI avec biomarqueur positif) ayant bénéficié d’une angioplastie (ATL) et ayant été randomisés pour être anti-coagulés par la bivalirudine sans Inhibiteurs de la GPIIb/IIIa de routine (± perfusion de bivalirudine post-ATL) versus l'héparine (HNF ou HBPM, ± Inhibiteurs de la GPIIb/IIIa de routine.

Les critères d’inclusion

Présentation clinique

Anti-coagulation

  • STEMI
  • Non-STEMI avec au moins un biomarqueur pré-procédural positif
  • Héparine (HNF ou HBPM) avec ou sans utilisation des inhibiteurs de la GPIIb/IIIa de routine.
  • Bivalirudine sans utilisation des inhibiteurs de la GPIIb/IIIa de routine

 

Les critères d’exclusion 

- Angor stable ou instable avec des biomarqueurs négatifs.

- Exploration coronaire non faite

- Bivalirudine avec utilisation des inhibiteurs de la GPIIb/IIIa (non recommandée en pratique)

Les critères d’évaluation 

La population d’analyse primaire était constituée de patients chez qui l'angioplastie a été tentée comme traitement de première intention.

Le critère de jugement primaire était le taux de mortalité toutes causes confondues à 30 jours.

Le principal critère de sécurité était un saignement grave à 30 jours, défini comme la présence d'un saignement TIMI mineur ou majeur (si disponible) ou, alternativement, d'un saignement BARC 3-5.

Les critères de jugement secondaire étaient les taux de décès d’origine cardiaque, d'infarctus du myocarde (IDM), de thrombose de stent, d'accident vasculaire cérébral (AVC), de revascularisation répétée, de MACCE (événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires majeurs), de saignement, de thrombocytopénie et d'événements cliniques indésirables nets (NACE) (un critère composite de MACCE ou d'hémorragie grave) à 30 jours et 1 an.

Nous avons défini les MACCE comme la combinaison sur 30 jours de décès toutes causes confondues, d’IDM, d’AVC ou revascularisation des vaisseaux cibles.

Résultats :

Sur les 738 publications identifiées via la recherche PubMed, 29 ont été examinées en vue de leur inclusion. A la fin, 8 essais avaient répondu aux critères d'éligibilité pour la revue systématique de l'analyse groupée : ACUITY, BRIGHT, EUROMAX, HEAT-PPCI, HORIZONS-AMI, ISAR-REACT 4, MATRIX et VALIDATE-SWEDEHEART.

Ces 8 essais comprenaient des essais randomisés sur un total de 38 565 patients dont 11 156 ont été exclus de la base de données commune : 4 646 patients qui ont été randomisés pour recevoir la bivalirudine avec prise planifiée des inhibiteurs de la GPIIb-IIIa, 2 471 patients souffrant d'angor instable sans élévations d’un biomarqueur et 4 039 patients qui n'ont pas subi de tentative d'angioplastie.

La cohorte finale comprenait 27 409 patients : 13 346 randomisés sous bivalirudine ( 7306 STEMI et 6040 non-STEMI) et 14 063 randomisés sous héparine ( 7948 STEMI et 6115 non-STEMI).

Les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, biologiques et procédurales étaient comparables chez les deux groupes, excepté la prise de l’aspirine en préhospitalier qui était plus fréquente dans le groupe bivalirudine.

  1. Chez la population étudiée :

La bivalirudine, comparée à l'héparine ± inhibiteurs de la GP IIb/IIIa, a permis de réduire les taux de saignements majeurs à 30 jours (3,4 % contre 5,7 % ; risque relatif [RR] : 0,6 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,52 à 0,68 ), avec une mortalité toutes causes confondues et d’origine cardiaque comparable (figures 1,2 et 3).

Figure 1 : Incidence de la mortalité toutes causes confondues à 30 jours

Figure 2 : Incidence de la mortalité de cause cardiaque à 30 jours

 

Figure 3: Incidence de saignement majeur à 30 jours

 

  1. Chez les STEMI :

Chez les patients atteints d'un STEMI et ayant bénéficié d’une angioplastie primaire, l'utilisation de bivalirudine était associée à une réduction des taux de mortalité à 30 jours (critère de jugement primaire), du taux de saignement majeur et des NACE par rapport à l’héparine (tableau I). Cette diminution de la mortalité était plus prononcée chez ceux qui ont reçu la bivalirudine en post-angioplastie (faible ou forte dose) (tableau II).

Cependant, l’utilisation de la bivalirudine était associée à une augmentation des infarctus du myocarde et de thrombose de stent (tableau I). Une perfusion à forte dose en post-angioplastie a permis de réduire le taux de ces complications (tableau III).

 

Tableau I : Incidence des critères de jugement chez les STEMI

 

 

Tableau II : Effet de l’administration ou non de la bivalirudine en post-ATL sur la mortalité toute cause (A) et d’origine cardiaque (B).

 

A

B

            

 

 Tableau III : Effet de l’administration ou non de la bivalirudine en post-ATL sur l’IDM (A) et la thrombose de stent (B).

 

A

B

 

 

  1. Chez les non-STEMI :

Les résultats évalués au 30ème  jour n’ont pas montré de différence significative concernant la mortalité, les MACCEs , les infarctus du myocarde et les thromboses de stent (tableau IV).

Les saignements majeurs (liés ou non au site de ponction) étaient moins fréquents avec la bivalirudine qu’avec l’héparine non fractionnée associée à un anti-GPIIb-IIIa (risque relatif [RR] : 0,6 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,49 à 0,75 ) (tableau V)

 

Tableau IV : Incidence des critères de jugement chez les non-STEMI

 

Tableau V : Incidence du saignement majeur

Conclusion :

Malgré l'augmentation de l’incidence de thrombose du stent et des infarctus du myocarde, l'angioplastie primaire avec bivalirudine a amélioré les résultats cliniques nets à 30 jours, avec des réductions significatives de la mortalité, des hémorragies majeures et des NACES par rapport à l'héparine associée ou non aux inhibiteurs de la GPIIb/IIIa. La poursuite du traitement par la bivalirudine à forte dose en post-ATL a permis de réduire l’incidence des thromboses de stent et d’IDM.

Chez les patients souffrant d’un non-STEMI, la bivalirudine n’a pas permis la réduction d’événements ischémiques mais elle était associée à une réduction significative des saignements majeurs par rapport aux patients traités par héparine et anti-GpIIb/IIIa. 

Essai randomisé sur le stenting par COBRA PzF pour réduire la durée de la trithérapie

(COBRA-REDUCE)

 

Introduction :

La réduction de la durée de la double anti-agrégation plaquettaire chez les patients à haut risque hémorragique est un enjeu majeur dans la stratégie de revascularisation.

Le COBRA-PzF est un stent de dernière génération, fabriqué en alliage spécial chrome-cobalt et recouvert d'un nano-revêtement de pointe en polymère Polyzene®-F, environ 100 fois plus mince que le revêtement des stents coronariens actuellement disponibles sur le marché. D'après les essais pré-cliniques, ce stent à revêtement nanométrique aurait une importante thrombo-résistance, entraînerait une cicatrisation bien plus rapide et naturelle de l'artère et réduirait également la durée du traietemt anti-agrégant plaquettaire.

Objectif de l’étude :

Déterminer si l’angioplastie par le stent COBRA PzF associée à une double anti-agrégation plaquettaire (DAPT) de courte durée (14 jours) entraîne une moindre incidence de saignement sans augmentation des événements thrombotiques par rapport au stenting par les DES associé à une DAPT standard (3 à 6 mois) chez les patients sous anti-coagulants oraux (OAC).

Méthodes :

Design de l’étude 

Il s’agit d’une étude randomisée en double-aveugle, multicentrique (59 centres en Europe et en Etats-Unis) et prospective, entre Février 2016 et Mai 2020, qui a inclus 996 patients ayant subi une angioplastie coronaire et présentant un risque élevé d'hémorragie en raison de la nécessité d'une anticoagulation orale.

Les patients ont été répartis au hasard entre un stenting par le COBRA-PzF et deux semaines de double anti-agrégation plaquettaire (groupe test, n=495), ou par un DES approuvé par la FDA, associée à une double anti-agrégation plaquettaire de trois à six mois selon les recommandations (groupe témoin, n=501).

Les critères d'évaluation

Les critères de jugement primaire étaient un saignement BARC ≥2 au-delà de deux semaines (ou à la sortie de l’hôpital si elle dépasse les 14 jours) et un critère composite de décès, infarctus du myocarde (IDM), thromboses de stent définis/probables ou accident vasculaire cérébral ischémique (AVCi) à 6 mois.

Les critères de jugement secondaire comprenaient les complications thrombotiques (décès toutes causes confondues, IDM, thromboses de stent définis/probables, revascularisations dues à l'ischémie ou AVCi) et hémorragiques (BARC 1-5, 2-5 et 3-5).

Résultats :

Les caractéristiques de base ont été comparables entre les groupes d'étude. L'âge moyen de la population était de 74,4 ans.

Le taux de saignement dans le groupe test était de 7,5 % et dans le groupe témoin de 8,9 % (p=0,477). Le stenting par COBRA-PzF n'avait pas réduit les saignements BARC 2-5 après 14 jours par rapport au DES (figure 1-A).

Les deux stents avaient également obtenu des résultats similaires pour le critère d'évaluation composite des complications thrombotiques (p=0,061) (figure 1-B).

 

A

 

 

B

Figure 1 : Incidence des critères de jugement primaire : saignement BARC 2-5 (A) et critère composite de complications thrombotiques (B) .

 

La revascularisation de la lésion cible due à l'ischémie à 6 mois était plus fréquente dans le groupe test que dans le groupe témoin (p=0,004). Par contre, le taux de thrombose de stent était comparable dans les deux groupes (p>0,99) (figure 2-A)

Après la randomisation, les complications hémorragiques (mineurs et majeurs) étaient plus fréquentes dans le groupe témoin que dans le groupe test (figure 2-B)

 

A

 

 

B

Figure 2 : Incidence des critères de jugement secondaire : complications thrombotiques (A) et hémorragiques (B) .

Conclusion :

Chez les patients ayant bénéficié d’une angioplastie pour des syndromes coronariens aigus ou chroniques et qui nécessitaient une anticoagulation orale, le stenting par Cobra PzF avec 14 jours de DAPT n'avait pas réduit le taux de saignement et n'a pas répondu aux critères de non-infériorité en ce qui concerne les événements thrombotiques par rapport au DES standard avec 3-6 mois de DAPT.

Le stenting par Cobra PzF avait une meilleure sécurité sur le taux de thrombose de stent. Ce taux était considérablement plus faible que celui observé dans les essais antérieurs avec les patients à haut risque hémorragique malgré une durée de DAPT de seulement 14 jours.

Un suivi continu et une analyse planifiée des critères secondaires à 12 mois est attendue pour pouvoir comparer l’efficacité des deux schémas.

Une analyse des événements hémorragiques en fonction de l’observance des médicaments, la dose d’anti-coagulants oraux et des critères ARC-HBR (Academic Research Consortium for High Bleeding Risk ) permettront de mieux évaluer l'interaction entre les effets du traitement, l'intensité de l'anticoagulation et le risque de saignement de base.