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Le meilleur de la rythmologie ( Dr Emna Allouche + Dr Walid Amara )

L’Apple Heart Study

L'étude « Apple heart study », publiée au NEJM, a été lancée avec le parrainage d'Apple Inc. en novembre 2017 pour déterminer si une application mobile qui utilise les données d'un capteur de pouls sur l'Apple Watch peut identifier la fibrillation auriculaire. Une pathologie qui est souvent silencieuse car de nombreuses personnes ne présentent pas de symptômes.

Pour l'étude, chaque participant devait avoir une Apple Watch (séries 1, 2 ou 3) et un iPhone. L'Apple Watch la plus récente, qui dispose d'un ECG intégré, ne faisait pas partie de l'étude, car elle a été publiée après le lancement de l'étude. L'application Apple Heart Study active régulièrement le capteur de fréquence cardiaque pour les mesures d'éventuelles impulsions cardiaques irrégulières. Si un « pouls irrégulier » a été détecté, le participant recevrait une notification et serait invité à planifier une consultation de télémédecine avec un médecin impliqué dans l'étude. Les participants, qui ont répondu à l’appel de consultation, ont ensuite reçu des patchs d’enregistrement d’ECG ambulatoires qu’ils devraient porter pour enregistrer le rythme électrique de leur cœur pendant une semaine maximum.

Les principales conclusions de l'étude sont les suivantes :

Dans l'ensemble, seulement 0,5% des participants ont reçu des notifications de « pouls irrégulier », une constatation importante prouvant que l’application ne génère pas de sur-notification potentielle.

Les comparaisons entre la détection irrégulière du pouls sur Apple Watch et les enregistrements d'électrocardiographie simultanés par patch ont montré que l'algorithme de détection du pouls (indiquant une lecture de tachygraphe positive) a une valeur prédictive positive de 71%. Quatre-vingt-quatre pour cent du temps, les participants qui ont reçu des notifications de « pouls irrégulier » se sont révélés être en fibrillation auriculaire au moment de la notification.

Plus d’un tiers (34 pour cent) des participants qui ont reçu des notifications de « pouls irrégulier » et suivis en utilisant un patch ECG pendant plus d'une semaine présentent des passages paroxystiques de fibrillation atriale.

Cinquante-sept pour cent de ceux qui ont reçu des notifications de « pouls irrégulier » se sont présentés en consultation médicale.

Ainsi, la rentabilité du dépistage de la FA par les montres connectées à grande échelle est faible par-contre si un patient consulte pour un « pouls irrégulier » détecté par une montre connectée, il est justiciable d’utiliser les différents moyens à notre disposition pour détecter une FA paroxystique car ces algorithmes ont une valeur prédictive positive importante.

Les recommandations américaines (AHA/ACC/HRS) de prise en charge de la fibrillation atriale (FA) :

La dernière mise à jour des recommandations américaines (AHA/ACC/HRS) de prise en charge de la fibrillation atriale (FA) publiées en 2014, a consacré un chapitre particulier pour l’ablation de la FA en cas d’insuffisance cardiaque. Suite à la publication de CASTLE-AF, qui avait montré un bénéfice de l’ablation de la FA chez les patients qui ont une combinaison FA/insuffisance cardiaque avec une réduction des critères majeurs, et notamment de la mortalité, l’ablation de la FA est jugée comme une option raisonnable chez les patients en FA symptomatiques avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, et ceci pour réduire la mortalité et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, avec un niveau de recommandation de IIb.

Dans ces recommandations, il a été aussi noté que :

  • L’edoxaban est entré en classe I, niveau de preuve B.  Suite aux données de l’essai randomisé ENTRUST-AF PCI.
  • Concernant le choix entre AOD et AVK, comme pour les recommandations européennes, la préférence va pour les AOD versus AVK, et c’est une indication de classe I, niveau de preuve A.
  • Lorsqu’on utilise des anticoagulants – des AOD – il est fortement recommandé de réaliser un bilan rénal et hépatique au début du traitement et de le refaire de manière annuelle.
  • Concernant les patients chez qui il faut particulièrement mettre les AVK, ceux qui ont un CHADS-VASC supérieur ou égal à 2, ou un CHADS-VASC supérieur ou égal à 3 s’il s’agit d’une femme, et qui ont une clairance de créatinine inférieure à 15 ou qui sont dialysés, dans ces cas-là, on préfère la warfarine ou l’apixaban pour l’anticoagulant oral. C’est un grade de recommandation IIb.
  • L’idarucizumab, qui est l’antidote du dabigatran entre en classe I, niveau de preuve B et l’andexanet alfa, qui est un recombinant facteur Xa, lui rentre en grade IIa, niveau de preuve B.
  • L’occlusion de l’auricule, peut être envisagée chez les patients qui ont une FA avec un risque thrombo-embolique significatif, mais qui ont une contre-indication au traitement anticoagulant, mais le niveau de recommandation est de grade IIb, avec un niveau de preuve B.
  • Concernant les patients qui doivent avoir un stent coronaire, le double traitement avec clopidogrel associé avec rivaroxaban 15 ou clopidogrel associé avec dabigatran 150 x 2, est jugé comme une option raisonnable pour réduire le risque hémorragique par rapport à la trithérapie avec un grade de recommandation IIa.
  • Pour l’AVC cryptogénique, on insiste sur le monitoring à la recherche d’une FA qui commence par des enregistreurs externes, mais si les enregistreurs sont négatifs, le recours à un moniteur cardiaque implantable (ILR) pour la détection d’une FA asymptomatique est indiqué avec un grade de recommandations de IIa.

Étude NAXOS : apixaban versus AVK et autres AOD en prévention des complications de la fibrillation atriale non valvulaire (FANV)

L’objectif de l’étude NAXOS, présentée au congrès de l’ESC 2019, était de décrire l’utilisation des anticoagulants dans la fibrillation atriale non valvulaire en France. Cette étude, basée sur les données de la SNIIRAM (code PMSI), a inclus 411 700 patients atteints de FANV chez lesquels un anticoagulant quel qu’il soit et quelle qu’en soit la dose avait été instauré entre 2014 et 2016. Au final, 411 077 patients étaient disponibles pour les analyses statistiques avec des données dites correctes.

La première information est que, au cours de cette période, les AVK (en majorité la fluindione : PREVISCAN) restaient, de peu, l’anticoagulant le plus utilisé (chez un peu plus de 1/3 des patients).

Les anticoagulants oraux directs (AOD), toutes molécules confondues, étaient donc utilisés chez près de 2/3 des patients avec la répartition suivante : 50 % pour le rivaroxaban, 40 % pour l’apixaban et 10 % pour le dabigatran (l’édoxaban n’étant pas disponible en France).

Le niveau de risque (thromboembolique & hémorragique) des patients était très différent entre ceux sous AVK et ceux sous AOD, les patients sous AVK étaient plus âgés (environ 5 ans plus âgés en moyenne), avaient des scores de CHA2DS2-VASc et HAS-BLED plus élevés, et avaient plus de comorbidités (score de Charlson plus élevé).

La deuxième information concerne les doses utilisées pour les différents AOD : 1/3 des patients sont traités par la “faible dose” (2,5 mg × 2/j et 15 mg/j) d’apixaban et de rivaroxaban et plus de la moitié des patients pour le dabigatran (110 mg × 2/j).

Après ajustement sur les facteurs confondants, l’apixaban expose à un moindre risque de saignement que les AVK (HR = 0,49), le rivaroxaban (HR = 0,63) et le dabigatran (HR = 0,85).

Par ailleurs, l’apixaban a également une meilleure efficacité que les AVK pour prévenir le risque thrombotique et embolique (HR = 0,67), mais sans supériorité sur le rivaroxaban et le dabigatran.

Enfin, l’apixaban était associé à moins de décès (toutes causes confondues) que les AVK (HR = 0,56) et le rivaroxaban (HR = 89). Il n’y avait pas de différence en revanche sur ce critère avec le dabigatran.

En conclusion, NAXOS est une confirmation en “vraie vie” des résultats d’ARISTOTLE sur l’efficacité et la tolérance de l’apixaban qui sont supérieures à celles des AVK, avec une réduction de la mortalité.

Elle souligne aussi une efficacité comparable entre les AOD avec moins de saignements pour l’apixaban versus rivaroxaban ou dabigatran.

Néanmoins les données sur le pronostic doivent être interprétées avec précaution puisqu’il ne s’agit pas d’une étude randomisée.

L’étude SAFIR :

Les patients très âgés atteints de fibrillation atriale non valvulaire (FANV) sont souvent non mis sous traitement anticoagulant ou ne reçoivent pas un traitement approprié. L’étude SAFIR est la première étude observationnelle prospective chez ce type de patients traités par rivaroxaban.

SAFIR est une étude prospective observationnelle initiée par le Pr Hanon et présentée au congrès de l’ESC 2019. Son objectif était d’étudier la sécurité d’utilisation du rivaroxaban chez des patients très âgés (≥80 ans) présentant une FANV, suivis en gériatrie, en comparaison avec une cohorte de patients traités par des antagonistes de la vitamine K.

SAFIR a permis de suivre pendant 1 an 995 patients sous rivaroxaban et répartis dans 33 centres de gériatrie. Un suivi par téléphone était effectué tous les 3 mois, comprenant les résultats d’une évaluation gériatrique globale, des examens de routine réalisés en laboratoire ainsi que les scores obtenus à différents tests tels que HAS-BLED, HEMORR2AHGES, ATRIA et CHA2DS2-VASc.

L’âge moyen des patients était de 86 ans, et 23 % d’entre eux avaient plus de 90 ans. La majorité était des femmes (61 %). Les principales comorbidités étaient l’hypertension (77 %), la malnutrition (49 %), l’anémie (43 %), la démence (39 %), l’insuffisance cardiaque (36 %) et les chutes (27 %). Par ailleurs, 48 % des patients avaient un taux de filtration glomérulaire estimé inférieur à 50 mL/min (eGFR < 50 mL/min).

Après un an de suivi, le taux d’événements hémorragiques majeurs était de 6,4 % dont 0,8 % d’hémorragies fatales et 1,1 % d’hémorragies intracrâniennes. Le taux d’accidents ischémiques était de 1,4 %. La comparaison avec les résultats de la cohorte de patients traités par AVK met notamment en évidence une incidence moins importante des événements hémorragiques majeurs (– 46 % ; [HR 0,54 ; IC 95 % (0,38-0,78)], en particulier des hémorragies intracrâniennes (– 64 % ; (HR 0,36 ; IC 95 % (0,36-0,76)) chez les patients sous rivaroxaban en comparaison avec la cohorte AVK. On observe également une tendance à la diminution des AVC ischémiques (HR : 0,62 ; IC 95 % (0,29-1,33)). Alors que dans l’étude Rocket AF, qui a évalué une population plus jeune (âge moyen : 73 ans), des taux similaires d’hémorragies ont été observés par rapport aux AVK (critère primaire de safety, HR 1,03 ; IC 95 % (0,96-1,11).

Ainsi, les résultats de SAFIR confortent l’utilisation du rivaroxaban chez les patients très âgés présentant une FANV et permettent de répondre ainsi à un besoin médical non satisfait pour ces patients.